Octobre rose : Comment la lingerie a opéré une révolution sur les collections post-mastectomie

Octobre rose : Comment la lingerie a opéré une révolution sur les collections post-mastectomie

A l’occasion d’Octobre rose, le mois de sensibilisation au dépistage du cancer du sein

20 Minutes s’intéresse à la reconstruction mammaire à travers une série d’articles.

Dans ce quatrième épisode, on se penche sur la lingerie post-mastectomie.

Alors que pendant des décennies, trouver une lingerie adaptée après une mastectomie et/ou une reconstruction mammaire relevait du défi, depuis quelques années, de nombreuses marques se sont positionnées sur ce créneau.

« Quand j’ai demandé il y a onze ans, après ma mastectomie, où je pouvais trouver un maillot de bain adapté, on m’a regardé comme si j’avais dit un gros mot, se rappelle Céline Lis-Raoux, directrice de l’association RoseUp. Les femmes atteintes d’un cancer devaient se cacher… ou en tout cas éviter la plage. C’est intéressant de voir comment la lingerie est passée de la négation de la maladie à une offre pléthorique. »

Les choses ont en effet bien changé en quelques années. Car aujourd’hui, de nombreuses marques, grand public ou confidentielles, onéreuses et sexy, ont élargi l’offre pour des femmes après une mastectomie, avec ou sans reconstruction mammaire.

Une multitude de contraintes

Il faut dire que ce vêtement devient vite votre ennemi quand on arrive à peine à lever ses bras à cause de la douleur… Pour Nasrine Callet, gynécologue à l’ Institut Curie, « c’est important de penser à l’après, de se sentir bien dans son corps. Heureusement que les marques ont été sensibilisées. » Pour que les femmes, après la maladie ou une mastectomie préventive, trouvent des vêtements confortables et esthétiques, en fonction de leur tour de poitrine, de leurs goûts, de l’opération (tumorectomie, mastectomie sur un sein ou sur les deux, reconstruction ou non…) et des stades de la guérison.

Pendant la radiothérapie, « il vaut mieux mettre une brassière en coton que rien du tout, car souvent, le sein a gonflé. Or être soutenu permet une meilleure circulation sanguine. » Et une fois les traitements et opérations terminés ? « La première exigence, c’est de trouver un soutien-gorge avec une poche pour la prothèse, de sorte qu’elle ne bouge pas et qu’il n’y ait pas d’asymétrie entre les seins, et donc pas de déséquilibre pour le dos, reprend la gynéco. On peut mettre un soutien-gorge avec armature métallique, mais je déconseille de le porter tout le temps. Quand les seins ont été traités, la peau est plus fragile, donc le frottement peut créer des boules. Cet épaississement cutané, pas dangereux, peut inquiéter la patiente. »

L’option d’une lingerie sans armature – ou alors une armature non métallique – sont à privilégier. « Et qui se ferme sur le devant, ce qui limite le mouvement des épaules », complète Céline Lis-Raoux. C’est mieux aussi si la fermeture se fait sur trois niveaux, ce qui permet d’être très serrée ou de libérer un peu au fur et à mesure de la cicatrisation. Quant à la matière, « c’est du coton qu’on veut, renchérit Angélique Lecomte, qui a eu un cancer et une mastectomie il y a cinq ans. Après, il faut trouver un consensus : du maintien, mais pas trop, pour que ça ne serre pas trop. »

Cette to-do list exigeante n’a pas freiné certaines marques, et les collections se sont adaptées. « Avant, c’était surtout la marque Amoena, très chère et souvent vendue en pharmacie, confirme Céline Lis-Raoux. Mais petit à petit, on a vu arriver des projets de femmes, qui avaient traversé un cancer. » Cécile Pasquineli monte Garance en 2012, une marque de maillots de bain et de lingerie. Puis Angélique de Rocquigny conçoit Coeur de Lys, avec des modèles 100 % made in France, respectueux des peaux sensibilisées, colorées et féminines.

Quand les grandes marques se positionnent

Mais le vrai boom est plus récent. Depuis environ deux ans, de grandes marques s’invitent sur ce créneau. Et beaucoup de besoins sont couverts : les brassières post-opératoires de Kiabi et Etam pour les petits budgets, celles de Décathlon pour les sportives, Coeur de Lys est en vente sur le catalogue Blancheporte… « Cette floraison du côté de la lingerie, c’est bien la preuve que le cancer n’est plus tabou », s’enthousiasme Céline Lis-Raoux, également directrice de Rose Magazine.

Pour coller au plus près des besoins, les grandes marques se sont souvent associées à des patientes. Notamment Princesse tam-tam, interpellée par l’une de ses consommatrices il y a trois ans. Gaëlle, atteinte d’un cancer à 39 ans, s’est plainte sur le site de sa marque préférée de ne pas trouver son bonheur. Alors la marque a monté sa collection avec elle. De même, quand Carrefour s’est intéressée à la question, l’association Rose Up lui a donné un coup de main.

Face à cette offre plus variée niveau style et niveau budget, les patientes applaudissent. Mais « il ne faut pas être naïf, reprend Céline Lis-Raoux. Les grandes marques ont bien vu que le nombre de cancer explose, qu’il touche plus de femmes jeunes, qu’il y a un marché. Les pionnières, d’anciennes patientes, ont créé le désir en montrant qu’on peut faire de jolies choses ! »

Une lingerie modulable

Depuis un an, une nouvelle venue enrichit le catalogue : les Monocyclettes. A la barre : Angélique Lecomte. Cette ex-infirmière, qui a subi une mastectomie sur un sein il y a cinq ans, a choisi de ne pas se faire reconstruire et de ne pas porter de prothèse. « Je passais devant les vitrines de magasins où j’achetais avant ma lingerie et j’avais envie de pleurer, avoue-t-elle. Avant, c’était un plaisir. Là, ça devenait uniquement utilitaire. Déjà que moralement, c’est difficile… »

Voilà pourquoi son credo, c’est de laisser les femmes libres de décider ce qu’elles veulent porter, en leur proposant de construire leur soutien-gorge modulable. En tout, 8.000 combinaisons sont possibles, entre les modèles pour un sein profonds, plats, en coton, en dentelle, avec poche ou sans poche, et chacun en 17 coloris.

Histoire de s’adapter aux goûts de chacune, mais aussi aux stades des opérations… « Que ça fait du bien quand on a mal après une séance de radiothérapie de ne mettre qu’un seul côté du soutien-gorge !, assure Angélique. Quand on est en cours de reconstruction et que la poitrine est asymétrique, on va pouvoir acheter deux bonnets de tailles différentes. » Ou encore un côté noir en coton plat pour la cicatrice et un côté violet en dentelle côté sein.

« J’ai même une cliente qui a fait du nudisme sur une plage avec un soutien-gorge mono bonnet avec poche couleur chair. Elle n’avait pas envie de montrer sa cicatrice, ni de l’exposer au soleil. Cela permet une liberté absolue et c’est ce que je voulais. » Son ambition est aussi de changer le regard sur le corps des femmes : « Seulement 30 % des femmes font une reconstruction mammaire. Ce n’est pas parce qu’on n’a plus qu’un sein qu’on n’est plus une femme, qu’on n’a plus le droit à la sexualité ! »